Articles parus dans la revue TRACÉS,
Mouvements en villeFrancesco Della Casa En 1997 et en 2000, Lausanne a été le théâtre des deux premières éditions d'une manifestation consacrée à l'art des jardins dans la ville. Celles-ci ont permis de faire découvrir des lieux méconnus de la ville, de mettre en valeur une grande part de son riche patrimoine d'espaces verts et contribué au regain d'intérêt que le paysagisme en général et l'art des jardins en particulier rencontrent aujourd'hui un peu partout en Europe. Inscrite au programme de législature de la Municipalité, une nouvelle édition de Lausanne Jardins est prévue pour l'été 2004. À cet effet, une subvention municipale sera très prochainement soumise au vote du Conseil communal. Préalablement, une réflexion collective sur le contenu conceptuel général de la manifestation a été engagée, dont le compte-rendu fait l'objet du présent numéro de TRACÉS. La griserie de la villeD'emblée, le caractère expérimental de Lausanne Jardins fut manifeste. En 1997 et, dans une moindre mesure en 2000, la manifestation a étroitement associé pensée du jardin et pensée de la ville, proposant une contribution féconde à la réflexion sur la crise de la ville contemporaine. Cette crise résulte pour une large part de la segmentation
technique et fonctionnelle entre habitat et travail, échanges
et loisirs, circulations et réseaux de distribution. La plus
large part de l'espace public est constituée d'un amalgame
d'espaces résiduels, âprement disputés entre
différents groupes qui en revendiquent l'usage prioritaire. Ces phénomènes, parfois inflammatoires, recèlent souvent une forte capacité de régénération de l'espace public. Ils possèdent par ailleurs quelque analogie avec le mode de colonisation du végétal, par dissémination et invasion du moindre interstice dévalué, sur lequel le contrôle et l'entretien se relâchent. À la lumière de cette hypothèse, Lausanne Jardins offre l'occasion d'associer réflexion sur la ville, réflexion sur les phénomènes de régénération sociale et réflexion sur le jardin. Il s'agit de faire en sorte que le jardin devienne un outil pour la ville, sans pour autant lui ôter ses spécificités. Implantation conceptuellePour développer le concept de Lausanne Jardins 2004, une démarche de réflexion collective originale a été instaurée. Quatre équipes de paysagistes ont été invitées à participer à un séminaire de réflexion, au cours duquel elles ont proposé les projets suivants :
Ces projets ont été analysés par un groupe de synthèse, comprenant Lorette Coen, commissaire de Lausanne Jardins ‘97 et Lausanne Jardins 2000, Paolo L. Bürgi, architecte et paysagiste et Francesco Della Casa, commissaire de Lausanne Jardins 2004. Les critères retenus pour déterminer le choix du projet qui servira de base à l'élaboration de la future manifestation ont été les suivants: pertinence de la réflexion à l'échelle territoriale, capacité à engager une démarche impliquant les habitants riverains, potentiel novateur et aptitude à révéler les aspects méconnus d'une partie de la ville. Le projet «La Ville en mouvement», élaboré par l'équipe Paysagestion et Klaus Holzhausen, s'est avéré correspondre très largement à cette série de critères. Le choix de ce concept participe également d'une réflexion à long terme sur l'identité de la manifestation. Les deux pre-mières éditions ont permis de présenter un travail inédit por-tant sur la mise en tension de deux notions, le jardin et la ville. Bien que ce thème conserve toute sa pertinence, le risque existe toutefois d'instaurer la tradition d'une variation répé-titive qui affaiblirait immanquablement l'impact de l'évé-nement auprès du public et des spécialistes. Dès lors, le choix d'un concept se démarquant des deux précédentes éditions est apparu susceptible de relancer fortement son esprit pion-nier, de maintenir intact son effet de surprise et de renforcer encore son caractère de laboratoire urbain.
MorphologieLe projet retenu, «La ville en mouvement», propose que la manifestation Lausanne Jardins 2004 investisse la vallée fossile du Flon, depuis la nouvelle Place de l'Europe jusqu'à la gare de Renens. Cette combe se caractérise par la suc-cession de plusieurs plateaux ferroviaires voués à l'approvisionnement de marchandises, résultant parfois de considérables opérations de comblement réalisées dès la fin du XIXe siècle, qui s'étagent progressivement en direction de l'Ouest. Le volume 5 de l'Inventaire suisse d'architecture renseigne sur le caractère artificiel de la morphologie de cette portion de territoire urbain. En 1868, un comité d'initiative étudie la construction d'un chemin de fer entre la vallée du Flon et le bord du lac. Au moyen d'un tunnel percé sous la moraine de Montbenon, le chemin de fer réduit la distance entre la ville et la gare et permet le convoyage des wagons en pro-venance du réseau international. Ce vaste projet implique la création d'une grande surface plane par la canalisation du Flon (fig. 2) et le comblement de la vallée (fig. 1 et 3).
Vers 1920, la Ville de Lausanne demanda instamment aux CFF d'établir la liaison ferroviaire, prévue dès 1906, entre la gare de Renens et Sébeillon. Le chômage sévissant à Lausanne, la Municipalité souhaitait en effet entreprendre rapidement les travaux de terrassement nécessaires à l'établissement, à la cote 450, de la future gare. Il faudra toutefois attendre encore une trentaine d'années pour que soit réalisée, entre 1951 et 1953, la halle de transbordement édifiée selon les plans de l'ingénieur Alexandre Sarrasin (fig. 4 à 6). Les travaux de terrassement du plateau de Malley ont pour leur part débuté dès 1908, afin de permettre l'installation de la nouvelle usine à gaz, qui entrera en fonction le 9 janvier 1911. À cet effet, 42 400 m3 de déblais ont été déplacés et transformés en remblais dans l'enceinte même de l'usine (fig. 7 à 9). Une liaison par voie de fer est établie avec la gare de Renens.
Le dernier plateau ferroviaire est celui de la gare de Renens, qui fut le point terminus de la première ligne de chemin de fer de la Suisse romande, ouverte en 1856 entre Yverdon et Lausanne. Un nouveau bâtiment aux voyageurs est édifié en 1908, selon les plans des architectes Taillens et Dubois (fig. 10). La capacité de la gare de triage est portée dans le même temps à vingt-six voies parallèles (fig. 11), dont la longueur est augmentée du côté de Lausanne. Le caractère paysager du site découle donc majoritairement des installations ferroviaires qui l'ont progressivement occupé à partir de ses extrémités.
Sur un plan social et culturel, le site se caractérise par le fait qu'un certain nombre des activités qui s'y sont développées ont «glissé» imperceptiblement, du quartier des entrepôts au plateau de Sévelin, puis vers la gare de Sébeillon. C'est le cas pour le convoyage des wagons de marchandises, pour les ateliers d'artistes, les compagnies théâtrales ou les locaux des communautés étrangères mais aussi, plus prosaïquement, pour la prostitution de rue.
Points de vueL'un des aspects originaux de ce projet découle directement de son identité ferroviaire. Jour après jour, des milliers de voyageurs pourront observer l'évolution des jardins, que ce soit depuis les trains circulant sur le réseau international des CFF ou sur la ligne du métro aérien du TSOL desservant les institutions académiques et la gare de Renens. Jardins contemporainsUn concours international sera lancé au début de 2003, qui déterminera le choix des équipes mandatées pour réaliser une trentaine de jardins, disséminés tout au long du parcours de Lausanne Jardins 2004. Il sera ouvert aux paysagistes, architectes et artistes du monde entier, invités à participer par le biais d'annonces publiées dans la presse spécialisée. Un jury de spécialistes reconnus sur le plan international sélectionnera les équipes lauréates, dont les projets seront exposés au public durant le mois de mai 2003. Par ailleurs, plusieurs manifestations ponctueront Lausanne Jardins 2004. Les goûts des jardinsLe succès de l'expérience proposée par le Service des parcs et promenades en 2000, invitant la population à déguster une soupe à la courge sur la place de Milan à la fin de la manifestation, invite à élargir cette idée à toute la durée de la manifestation. Un «jardin de curé» de grande dimension permettra de cultiver les légumes et les plantes aromatiques servant à la préparation de plats culinaires propres aux différentes communautés dont sont issus les riverains du site. Les associations culturelles qui les représentent seront invitées à prendre en charge, à un rythme hebdomadaire, des soirées gastronomiques au cours desquelles elles auront l'occasion de se présenter, sur un mode convivial, à l'ensemble de la population. Ce jardin permettra de confronter le goût et le regard, deux des sens majeurs sollicités par l'art du jardin, dans toutes la diversité des cultures qui composent la population lausannoise. Arts dans la villeUne invitation faite à des équipes d'artistes plasticiens, de comédiens, de chorégraphes, de cinéastes ou de photographes en vue d'intervenir sur le thème de «La ville en mouvement» contribuera à enrichir la réflexion sur la qualité de la ville, parallèlement au travail engagé par le biais des jardins. Francesco Della Casa ________________________________ La ville en mouvementPaysagestion SA et Klaus Holzhausen Le nécessaire renouvellement de la manifestation Lausanne Jardins oriente le projet vers les espaces les plus prometteurs de la ville, là où elle s'étend vers sa banlieue ouest: l'actuelle et ancienne vallée du Flon, de la Place centrale de Lausanne jusqu'à la gare de Renens. Une sorte de «rivière ferroviaire» s'y est installée, devenue aujourd'hui une succession de friches industrielles à différents stades de leur évolution: un site idéal pour explorer de nouvelles voies, une coupe saisissante dans l'évolution de l'agglomération lausannoise. Y installer en été 2004 un parcours d'évènements éphémères mettant en scène «la ville en mouvement», telle est notre proposition. «La ville en mouvement» se donne pour objectifs de faire découvrir ces sites insolites et méconnus. De révéler par la friche le mouvement de la ville et de le mettre en scène. De donner à réfléchir sur l'avenir de l'agglomération, de la mobilité, des usages, de la densité, des affectations, des espaces publics, du développement durable… D'investir, de squatter temporairement des espaces et installations plus ou moins en friche. D'innover par l'échelle des sites et des problèmes envisagés. De lancer une passerelle vers les communes de l'Ouest et leurs habitants. De mettre en scène par des interventions végétales et artistiques cet état provisoire, ces ambiances déjà fortes et en créer de nouvelles, inattendues. Enfin, de fédérer par le jardin les gens de tous horizons qui font la ville de demain: musiciens, acteurs, danseurs, étudiants, cuisiniers, jardiniers et ingénieurs… ProjetChaque plate-forme ferroviaire a son caractère, sa typolo-gie, sa vocation, ses enjeux, résumés dans les encadrés de la page suivante. Les interventions et les évènements contem-porains de Lausanne Jardins 2004 s'en nourriront pour les mettre en scène. Un axe principal de promenade reliera les cinq plates-formes, d'où partiront des chemins de traverse vers de nouvelles découvertes du patrimoine lausannois.
->cliquez sur un plateau pour accéder au descriptif <- Paysagestion SA, arch.-paysagistes SIA/FSAP Klaus Holzhausen, arch.-paysagiste FSAP
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© Lausanne Jardins 2004 | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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